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L’utilisation d’indicateurs clés à la ferme pour optimiser la qualité des fourrages

Les fourrages sont la base des programmes alimentaires des troupeaux laitiers et leur utilisation de façon optimale a un impact important sur la rentabilité des entreprises. Leurs objectifs principaux sont de fournir aux vaches les nutriments nécessaires pour soutenir leurs besoins d’entretien, de croissance, de production, de santé et de reproduction. Une moindre variation de leur qualité impactera la stabilité ruminale et ainsi, la production laitière.

C’est pourquoi l’utilisation d’indicateurs clés au cours de la récolte, de l’entreposage et de l’alimentation permet aux producteurs de cibler les opportunités rentables (Figure 1).

Figure 1

Sur le marché, il existe différents outils permettant d’évaluer la qualité d’un fourrage en lien avec son profil de fermentation. Selon les laboratoires, il est parfois possible de comparer les analyses d’ensilages avec la moyenne des échantillons similaires du laboratoire ou des fourrages des années précédentes.

Période de récolte

La régie des chantiers de récolte influence grandement la qualité des fourrages qui seront servis durant l’année subséquente. La qualité des fourrages est négativement corrélée avec l’avancement du stade de maturité des plants à la récolte, soit en fibres ADF et NDF.

Ainsi, une plus grande maturité augmente la paroi cellulaire du plant (niveau de NDF) et laisse moins de place aux autres nutriments, résultant en une perte de la valeur nutritive (énergie, protéines et fibres digestibles). L’augmentation de la fibre NDF augmente aussi la valeur de uNDF240, mesure de la fibre indigeste, et limite la consommation des vaches. Cela s’explique par un encombrement ruminal plus rapide.

Ainsi, un fourrage de meilleure qualité limitera l’utilisation de concentrés dans la ration et stimulera la consommation des vaches qui, à son tour, stimulera la production laitière. La matière sèche (MS) au moment de la récolte est l’un des éléments les plus importants puisqu’elle dictera la conservation du fourrage. Il est important de noter que le taux idéal de MS est propre à chaque structure d’entreposage (Tableau 1).

Table 1

Une MS trop basse entraîne généralement des pertes de nutriments de qualité par lessivage. De plus, l’eau (pH neutre) tamponne l’ensilage, rendant la fermentation difficile pour les bactéries qui nécessitent alors plus d’acide pour atteindre un pH faible.

En situation de MS trop élevée, il manque d’eau pour favoriser la fermentation par les bactéries. Dans ce cas, la compaction est difficile et laisse de l’air, ce qui rend l’ensilage instable à la reprise. Pour faucher la première coupe d’ensilage de foin, la règle du 15-24-30 pouces est un bon indicateur du stade optimal de maturité.

La maturité optimale dans un champ principalement de graminées est lorsque la luzerne atteint 15 pouces de hauteur. Dans un mélange moitié graminées et moitié légumineuses, la hauteur cible est de 24 pouces, tandis que dans une luzernière pure, la hauteur cible est de 30 pouces. Pour les coupes subséquentes, il faut prévoir des intervalles standards de 28 à 32 jours.

Une fauche tôt le matin permet un séchage plus rapide et préserve mieux les nutriments de la plante, notamment le sucre. Ce dernier est d’ailleurs déterminant pour une fermentation optimale.

Faucher plus tard dans la journée augmente la quantité de sucre, mais le processus de respiration de la plante consommera ce sucre jusqu’à ce que l’humidité atteigne 50 %, entraînant ainsi une plus grande perte de valeur nutritive.

La longueur de coupe agit également au niveau de la santé ruminale pour avoir de la fibre efficace stimulant la rumination. Il faut ainsi contrôler la longueur de coupe lors de la fauche et valider l’efficacité des couteaux avant chaque coupe pour avoir une coupe franche. Pour l’ensilage de foin, une longueur de coupe théorique de 3/8 pouce à 1/2 pouce est à viser et pour l’ensilage de maïs, il faut viser de 3/4 pouce à 1 pouce selon la structure d’entreposage. L’utilisation de rouleaux craqueurs augmente grandement la digestibilité de l’amidon.

Dans tous les cas, il faut éviter la contamination des fourrages par des particules de sol en fauchant trop près du sol, en ramassant de la terre, avec un épandage de fumier avant une coupe ou en ayant des chemins poussiéreux à proximité du champ.

Cela affectera le niveau de cendres, le pH ainsi que le niveau d’acides gras volatils qui impacteront négativement la fermentation. Il faut viser un niveau de cendres en dessous de 10 % pour l’ensilage de foin et en dessous de 5 % pour l’ensilage de maïs.

Le profil de fermentation permettra de déterminer si l’ensilage est contaminé par de la cendre en ayant un niveau d’acide lactique hors norme (plus que 7 %) pour l’ensilage de maïs et un niveau d’acide butyrique élevé pour l’ensilage de foin. L’utilisation d’inoculant peut également être envisagée lors de la récolte pour réduire la perte de MS et de sucres. Il faut choisir le bon inoculant selon la plage de MS récoltée.

Il est important de calibrer l’applicateur à chaque usage pour éviter le mauvais dosage. L’utilisation d’un inoculant contenant des souches de bactéries lactiques favorisera la production d’acide. Il abaisse le pH rapidement, réduisant les effets négatifs de la fermentation sur l’ensilage.

La fermentation crée de la chaleur et dégage du CO2 venant brûler les sucres de la plante, réduisant ainsi les nutriments disponibles pour le rumen. Les inoculants à base de Buchneri utilisent l’acide lactique pour produire de l’acide acétique, améliorant la conservation de l’ensilage. Cet acide est moins puissant pour la réduction du pH, mais limite la croissance des levures et moisissures, augmentant la stabilité de l’ensilage lors de la reprise. L’ajout d’acide propionique tamponné peut aussi améliorer la conservation de l’ensilage en contrôlant les moisissures.

Période d’entreposage

Les deux objectifs principaux d’une bonne fermentation sont le maintien de la qualité nutritionnelle et la minimisation des pertes de MS. Pour ce faire, il est primordial que les fourrages soient placés dans un endroit exempt d’oxygène à l’intérieur des 12 heures suivant la récolte et jusqu’à la reprise pour l’alimentation. Le cycle de fermentation se divise en quatre phases (Figure 2).

Figure 2

La phase aérobie (remplissage) inclut la respiration (conversion des sucres en CO2 et en eau) ainsi que la protéolyse (conversion des protéines en acides aminés). Pour limiter la perte de nutriments, il est important que cette phase soit la plus courte possible en visant un temps de séchage rapide au champ et des structures d’entreposage étanches.

La phase de fermentation est caractérisée par la dominance des bactéries lactiques qui prolifèrent uniquement sous des conditions anaérobies. La croissance de ces bactéries entraîne une chute rapide de pH par l’acide lactique. Un pH en dessous de 5 limite la présence d’organismes néfastes à l’ensilage. Une fois le pH de l’ensilage abaissé et maintenu, très peu d’activités microbiennes sont observées (phase de stabilité anaérobie)

Le maintien d’un pH bas empêche le développement de bactéries butyriques provenant de la contamination du sol. Celles-ci réduisent l’énergie et la MS de l’ensilage (pertes d’entreposage) en plus de dégager une forte odeur qui limite la consommation et, ainsi, les performances. La quatrième phase débute dès l’ouverture de la structure d’entreposage. La réintroduction d’oxygène permet la prolifération de microorganismes aérobiques.

Cette phase est inévitable mais quelques pratiques peuvent être mises en place afin de limiter son impact sur la qualité de l’ensilage, notamment le chauffage.

D’abord, le calcul des inventaires (dimensions des structures d’entreposage versus la grosseur du cheptel) permet de valider si le taux de reprise est suffisant (Figure 3).

Figure 3

Ensuite, une compaction adéquate des ensilages réduira les portes d’entrées à l’oxygène au moment de l’alimentation. Finalement, un choix judicieux d’inoculant limitera l’activité des microorganismes lors de la reprise. Afin d’assurer une alimentation optimale, il est primordial de prendre une analyse représentative des ensilages pour évaluer leur qualité.

Certains logiciels permettent d’obtenir une valeur théorique de la qualité en comparaison à une moyenne régionale. Souvent exprimée en fonction des nutriments et de la fermentation, cette calculatrice détermine le carburant disponible au rumen (Tableau 2).

Table 2

Prendre le temps d’évaluer les niveaux de fibres et d’amidon digestibles et la qualité de la fermentation permettent d’optimiser l’utilisation des ingrédients disponibles et la ration. L’analyse fréquente de la MS (Koster) des ensilages servis permet aussi aux producteurs laitiers d’être proactifs face aux variations de consommation.

La longueur de coupe à la sortie du mélangeur est aussi importante qu’à la récolte. Il faut s’assurer que les couteaux du mélangeur soient bien aiguisés et que le temps de brassage soit adapté afin d’assurer une coupe franche des fourrages qui stimulera la rumination. La validation de l’efficacité de la fibre de la ration se fait à l’aide du séparateur de particules Penn State. Un audit du mélange peut être fait pour valider l’homogénéité de la ration servie.

Une comparaison de la ration fraîche et des refus est un bon indicateur du niveau de tri. La minimisation du tri permet un pH ruminal stable et une meilleure santé de la vache. Également, nourrir des fourrages contenant une teneur élevée en mycotoxines peut limiter la consommation, les performances et la reproduction selon le type de mycotoxines.

Pour atténuer l’impact de ce fourrage, il est possible d’en diluer sa proportion dans la ration ou d’ajouter un anti-toxine spécifique. Une récolte propre et un entreposage adéquat aideront à limiter la croissance des moisissures à l’origine des mycotoxines..

Conclusion

Il existe de nombreuses informations dans la littérature sur la gestion optimale des chantiers de récolte. Même si de nombreuses bonnes pratiques peuvent être utilisées sur les fermes, il est important de garder à l’esprit que la définition d’objectifs et le respect des indicateurs clés sont essentiels pour obtenir de bons résultats lors de l’alimentation des fourrages.

Une bonne régie de la récolte, de l’entreposage et de l’alimentation permettra d’avoir des fourrages de haute qualité qui apporteront une bonne valeur nutritive, favoriseront la consommation des vaches et ainsi optimiseront la production. Au final, la rentabilité à la ferme en sera améliorée.