POURQUOI FAUT-IL MOUILLER CERTAINES MOULÉES? QUELS SONT LES AVANTAGES?

Dans la nature, l’aliment de base pour les chevaux est l’herbe fraîche. Ce qui différencie un foin de pâturage d’un foin sec est la quantité d’eau présente dans l’aliment et les proportions de chaque composante de la fibre. Au Québec, nous n’avons pas tellement le choix de servir du foin sec à nos chevaux pendant une longue période de l’année, mais comment leur offrir une nourriture qui se rapproche le plus possible de leur alimentation naturelle?
D’abord, il est intéressant de savoir qu’une fibre est tout simplement ce qui compose la structure des plantes. Elle est un peu comparable à celle d’une maison et permet aux plantes de se tenir plus ou moins droites et de se protéger des infections en créant une barrière contre les maladies et les insectes. La digestibilité de la fibre du foin varie selon les espèces de plantes et leur maturité. Vous avez sûrement déjà remarqué qu’au printemps, lorsque l’herbe est jeune, elle est très souple. À ce moment, elle contient plus de pectine, de cellulose et d’hémicellulose que de lignine. Toutefois, plus l’été avance, plus la tige devient solide et raide ; elle contient donc de plus en plus de lignine par rapport aux autres composantes et devient moins digestible pour le cheval. Il en va de même pour les différentes sources de fibres qui peuvent être ajoutées aux moulées. Aussi, il importe de se rappeler que ce n’est pas tant le cheval qui digère la fibre, mais plutôt les bactéries, protozoaires et autres microorganismes qui vivent dans le gros intestin. Ils fermentent la fibre mangée par le cheval, puis la transforment en acides gras volatils qui seront utilisés sous forme d’énergie. La pectine est la partie la plus fermentescible de la plante, alors que la cellulose et l’hémicellulose le sont partiellement. La lignine est la portion non digestible, donc plus la fibre est riche en pectine, cellulose et hémicellulose, par rapport à la lignine, plus elle sera digestible.
Tous les sous-produits fibreux ne sont pas égaux. Voici quelques exemples de produits qui sont
utilisés dans les moulées, ainsi que leur digestibilité :
Tiré du NRC 2007
Ingrédients | Fibre brute | Lignine | Lignine/ (%) fibre totale |
---|---|---|---|
Écales d’avoine | 33.2% | 6.3% | 8.2% |
Écales de soya | 34.2% | 2.8% | 3.7% |
Pulpe de betterave | 17.6% | 3.6% | 4.8% |
Son de blé | 11% | 4.1% | 9.0% |
Son de riz | 8.6% | 4.1% | 48% |
Plus le pourcentage de lignine/fibre totale est élevé, moins la fibre est digestible. On voit donc facilement dans le tableau que l’écale de soya et la pulpe de betterave sont de bien meilleures sources de fibres que le son de blé, l’écale d’avoine ou pire, le son de riz; c’est pourquoi on les appelle « superfibres ». La pulpe de betterave aurait d’ailleurs un effet comparable aux prébiotiques. Malheureusement, ce qui apparaît sur l’analyse d’une étiquette de moulée est la fibre brute. Il n’y a donc aucune indication sur la digestibilité et la seule façon de s’informer est de vérifier la liste des ingrédients; ce que je vous invite à faire. Dans une moulée, la fibre apporte des calories (niveau comparable à celui du pâturage) sans provoquer de réponse d’insuline, donc sans risque d’exciter le cheval. Plus une moulée contient un pourcentage élevé de fibres, moins elle contient de sucre.
Maintenant, pourquoi est-il si important de mouiller certaines moulées dont le pourcentage de fibres de qualité est élevé? Parce que leur contenu en pectine est élevé, et que cette composante de la fibre gonfle considérablement au contact de l’eau, ce qui peut causer des obstructions œsophagiennes (étouffements) ou des coliques par impaction. Lorsque la fibre est de moindre qualité et/ou en moins grande quantité, ce n’est pas nécessaire car un faible contenu en pectine ne gonfle pas au contact de l’eau. Certains facteurs augmentent le risque d’étouffement, comme la gloutonnerie, la grosseur des repas et le degré d’hydratation du cheval.
De plus, le fait de mouiller ces sources de fibres les ramène le plus près possible de l’aliment le plus naturel pour le cheval, l’herbe fraîche! En effet, tout comme l’herbe, la pulpe de betterave et les écales de soya (superfibres) contiennent beaucoup de pectine, de cellulose, d’hémicellulose et très peu de lignine ; ce qui en fait des fibres très digestibles. Il faut aussi préciser que le cheval est très bien conçu pour digérer des aliments humides, mais beaucoup moins pour transiter des aliments secs ; le gros intestin, à un endroit particulier que l’on nomme flexure pelvienne, diminue en diamètre et tourne, ce qui représente la situation parfaite pour créer un bouchon chez un cheval en manque d’eau et produire des coliques par impaction. Il existe de nombreux avantages à servir des aliments mouillés. En voici quelques-uns :
- Favoriser la consommation d’eau minimum obligatoire. Vous avez sûrement remarqué la baisse de consommation d’eau en automne et en hiver de vos chevaux; c’est que la température froide combinée à l’eau froide les rebutent. La quantité d’eau servie dans la moulée sera nécessairement bue, ce qui assure un minimum de consommation d’eau. Lorsque la température se refroidit, ce sera un atout pour les chevaux qui boivent très peu, et une belle occasion de leur servir un repas tiède lorsque de l’eau chaude est disponible.
- Faire passer d’autres ingrédients en douce. Il sera beaucoup plus difficile pour votre cheval de trier ses aliments s’ils sont sous forme de bouette. C’est donc la situation idéale pour ajouter du sel, de la levure, de la phénylbutazone ou tout autre produit en poudre.
- Servir une nourriture molle. Les vieux chevaux ayant des problèmes de dentition apprécieront sans aucun doute cette gentille attention! Il est aussi important de préciser qu’un cheval âgé est généralement moins efficace pour digérer la fibre qu’un jeune cheval. L’apport en fibre très digestible sera donc aussi un atout pour lui.
- Prévenir les étouffements et les coliques par impaction. Lorsqu’une moulée est mouillée correctement, il n’y a aucun risque d’étouffement ou de colique par impaction, contrairement à tout autre aliment servi sec.
Maintenant, comment mouiller la moulée correctement? C’est très simple! Pour faire des « mashes », il s’agit d’ajouter deux à trois fois plus d’eau que de moulée et attendre que le tout gonfle. Le temps de trempage dépendra de la grosseur du cube à détremper (un gros cube prendra plus de temps à gonfler), de la quantité de fibre présente et de la température de l’eau (l’eau chaude réduit considérablement le temps de trempage). Si vous désirez faire une soupe, ajoutez la quantité d’eau que vous désirez pour obtenir la texture qui plaira à votre cheval.
Évidemment, mouiller la moulée représente une charge de travail supplémentaire car il faut avoir accès à l’eau, attendre que la préparation gonfle et, finalement, laver plus régulièrement les mangeoires, mais les bénéfices valent certainement tous ces efforts