MYTHES EN ALIMENTATION

Plusieurs mythes qui circulent dans le monde des chevaux ont la vie dure! Les gens font toutes sortes de choses par habitude ou en se fiant aux conseils de proches, comme un voisin pour qui une solution a fonctionné pour son propre cheval, ou un entraîneur qui n’a pas nécessairement vu le cheval en question. Et c’est particulièrement vrai dans le domaine de l’alimentation équine.
Voici dix mythes tenaces à déboulonner :
Mythe 1 : L’avoine et les grains simples sont plus naturels pour les chevaux que les moulées commerciales
Faux! Il s’agit d’aliments plus traditionnels, mais pas plus naturels! Les chevaux sont conçus, à l’origine, pour paître de l’herbe. Même le foin sec n’est pas tout à fait « naturel » pour les chevaux, puisque son contenu en eau et en vitamines est très différent de celui de l’herbe fraîche.
Les grains simples sont de bons ingrédients de base pour un aliment, mais ce sont des aliments incomplets en eux-mêmes. De plus, le maïs et l’orge, s’ils sont servis ronds ou cassés, sont très peu digestibles et augmentent les risques de coliques gazeuses. Dans ma pratique, j’entends souvent : mon grand-père et mon père ont toujours nourri à l’avoine et leurs chevaux ont toujours été beaux! Effectivement, autrefois, la meilleure option pour faire prendre du poids aux chevaux était l’avoine, car il s’agit du seul grain que l’on peut servir non traité sans danger pour la santé du cheval. Cependant, l’avoine ne contient que peu de protéines et de minéraux et aucune vitamine. De nos jours, il existe de nombreuses façons de traiter les grains pour améliorer leur digestibilité, et d’autres sources de calories sont désormais accessibles, comme l’huile végétale.
Mythe 2 : Mon cheval n’a besoin de rien d’autre que du foin, il est déjà beau et gras comme ça.
Faux! Le foin ne fournit pas tous les éléments nutritifs nécessaires à la survie d’un cheval. Aucun foin produit au Québec, aussi beau soit-il, ne contient ni de sélénium, ni suffisamment d’oligo éléments comme le zinc, ni de vitamines après quelques semaines d’entreposage. Il est tout à fait possible que le cheval puisse vivre plusieurs années ainsi, mais à la longue, certaines carences le rattraperont. En effet, si un cheval qui ne reçoit pas un apport adéquat de sélénium pendant plusieurs années, il risque d’en mourir. Chaque année, des cas de carences fatales en sélénium sont malheureusement rapportés. Les juments reproductrices et les poulains sont particulièrement sensibles à ces carences. Soulignons aussi que le fait qu’un cheval soit gras n’est pas nécessairement garant d’une bonne santé.
Mythe 3 : Les chevaux sauvages survivent sans supplément ni moulée et vivent pourtant très bien.
Faux! D’abord, ces chevaux sauvages ne survivraient probablement pas très longtemps sans l’intervention humaine. En effet, une partie des troupeaux de chevaux sauvages en Amérique est rassemblée chaque année afin de les nourrir et de contrôler les populations pour assurer leur survie. Il faut savoir qu’il n’existait pas de chevaux en Amérique avant l’arrivée des colons européens, et que les chevaux dits sauvages sont les descendants de chevaux domestiqués.
D’ailleurs, de nos jours, il n’existe que très peu de chevaux dont la génétique est vraiment issue de souches « sauvages », comme les chevaux de Przewalski de Mongolie. Il faut aussi savoir que le sol européen contient beaucoup plus de sélénium que le nôtre, et que le climat permet aux chevaux d’accéder aux pacages pendant une plus longue période qu’ici, ce qui est favorable à leur survie. De plus, il ne faut pas oublier qu’un cheval à l’état sauvage vivra rarement jusqu’à 30 ans!
Mythe 4 : C’est normal qu’un cheval âgé ou à sang chaud (comme les Thoroughbred) soit un peu maigre.
Faux! Tous les chevaux peuvent engraisser. Ce n’est pas une question d’âge ou de tempérament, il faut simplement lui fournir une alimentation adaptée et une ration équilibrée. Pour nourrir adéquatement un cheval, il importe de tenir compte de son âge, de son niveau d’activité, de son tempérament, de la qualité de sa dentition, etc. Bien sûr, un cheval âgé dont la dentition est déficiente coûte plus cher à garder en bon état chair qu’un jeune cheval, mais ce n’est pas une excuse pour qu’il reste maigre, n’est-ce pas?
Mythe 5 : Je n’ai pas besoin de servir de supplément à mon cheval, sa moulée est complète.
Vrai et faux. Tout dépend de la quantité de moulée servie. En effet, toutes les moulées sont complètes lorsque l’on sert la quantité recommandée sur l’étiquette. Cependant, très peu de chevaux ont besoin d’une telle quantité de moulée. Inutile de les rendre obèses pour combler leurs besoins en minéraux et vitamines! Si vous donnez à votre cheval moins de moulée que la quantité recommandée sur l’étiquette et que son état de chair est bon, vous n’avez qu’à ajouter un supplément de vitamines et minéraux à sa ration, tout simplement.
Mythe 6 : Si je ne donne pas de moulée à mon cheval, il n’aura pas suffisamment d’énergie pour performer
Faux! On utilise la moulée pour augmenter l’apport en calories d’une ration. Si le cheval est déjà bien en chair lorsqu’il est nourri au foin seulement, pourquoi ajouterait-on encore plus de calories à son alimentation? Un supplément en minéraux et vitamines sera nécessaire et un apport en protéines pourrait aussi être bénéfique selon le cas, mais l’obésité n’améliorera certainement pas ses performances!
Mythe 7 : Si je donne à manger à mon cheval tout de suite avant de concourir, il se sentira lourd et réalisera de moins bonnes performances.
Vrai et faux. Cela dépendra de l’aliment servi. En effet, il est préférable de ne pas donner de moulée avant l’exercice, surtout si elle est riche en sucres, car la réponse d’insuline qui s’en suivra empêchera le cheval de mobiliser le glucose emmagasiné dans ses muscles. Cette réaction dure de 4 à 5 heures et diminuera la performance, particulièrement lors d’exercice anaérobique (de courte durée et de forte intensité). En revanche, si on lui sert du foin en continu, l’acidité de son estomac est mieux contrôlée et le cheval sera plus à l’aise pour s’exécuter.
Mythe 8 : La luzerne est dangereuse pour les chevaux.
Faux! Plusieurs mythes entourant la luzerne sont très tenaces : on dit qu’elle cause des fourbures et de l’excitation. J’ai même déjà entendu qu’elle pourrait causer la présence de sang dans l’urine. La luzerne, ce n’est pas le mal! Il s’agit même un excellent ingrédient qui contient plus de calories, de protéines et de calcium que le foin de mil. Bien sûr, si vous avez un Haflinger qui engraisse à la simple vue de paille, ce ne serait pas un bon choix, car elle risque de le rendre obèse et résistant à l’insuline. La résistance à l’insuline peut causer des crises de fourbure, mais ce n’est pas la luzerne qui est en cause. Toutefois, si votre cheval requiert un apport élevé d’énergie, la luzerne s’avère un excellent choix afin de diminuer les quantités de moulée servies. De plus, grâce à sa teneur en protéines et en calcium, elle permet de diminuer l’acidité dans l’estomac plus efficacement qu’un foin de graminées.
Mythe 9 : Un bloc de sel, c’est un bloc de sel, peu importe sa couleur.
Faux! Les blocs de sel de couleur contiennent des oligo-éléments comme l’iode et le cobalt qui peuvent devenir toxiques lorsque consommés en grandes quantités. Le sel, ce n’est que du chlorure de sodium, il est donc préférable de choisir un bloc de sel blanc. Le problème avec ces blocs, c’est qu’ils entraînent généralement une consommation de sel trop faible ou irrégulière.
Une bonne façon de veiller à ce qu’un cheval consomme régulièrement une quantité adéquate de sel serait d’ajouter du sel à foin ou sel à bétail directement dans la portion quotidienne de granulés. Deux cuillères à soupe par jour comblent les besoins de la majorité des chevaux adultes de taille moyenne.
Mythe 10 : Pour faire engraisser mon cheval, je lui donne de la pulpe de betterave.
Faux. La pulpe de betterave est une source de fibre de grande qualité, mais elle est faible en calories. Un foin fauché à la bonne maturité contiendra autant de calories. La pulpe est utile lorsqu’on doit donner un foin trop mûr, car elle a un effet prébiotique grâce à sa digestibilité et son contenu en pectine. Elle peut donc remplacer une partie du foin. Il est cependant primordial de la servir trempée précisément en raison de sa teneur en pectine qui fait que la pulpe gonfle beaucoup au contact de l’eau. Il est donc souhaitable que phénomène se produise à l’extérieur du cheval pour prévenir les étouffements et les coliques.
Voilà seulement quelques-uns des nombreux mythes qui circulent au sujet de l’alimentation équine. Gardez l’esprit critique, informez-vous auprès des bonnes personnes, et n’oubliez pas que les agronomes sont les spécialistes de l’alimentation!