Analyse des acides gras du lait :en quoi cela aidera-t-il votre ferme?

L’industrie laitière canadienne a fait de grands progrès en matière d’accès et d’utilisation des données disponibles à la ferme dans les dernières années. Les informations sur le lait, en particulier les données sur ses composantes et l’analyse de l’urée à chaque livraison, peuvent améliorer notre compréhension de l’effi cacité alimentaire de nos troupeaux et accélérer considérablement le temps de réponse à un changement.

En 2014, Dave Barbano de l’Université Cornell a présenté une nouvelle méthode d’analyse utilisant la technologie de mesure infrarouge pour quantifi er la teneur en acides gras du lait. Cette technique nous permet de mesurer les niveaux d’acides gras dans le lait plus rapidement et plus économiquement que les techniques de laboratoire traditionnelles. Alors que cette analyse commence à faire son chemin dans l’industrie laitière canadienne, en quoi cette information peutelle être utile pour les producteurs laitiers?

La proportion d’acides gras présents dans le lait nous permet de mieux caractériser le fonctionnement du rumen et de mieux adapter nos rations. Les acides gras analysées dans le lait sont divisés en trois grandes catégories soit les de novo, les acides gras mixtes et les préformés.
Les acides gras dis de novo sont des acides gras à chaîne courte (normalement moins de 15 carbones) produits par la glande mammaire. Ils représentent environ 50 % de la teneur en acide gras du lait. Les molécules précurseurs sont les acides gras volatils soit l’acétate et le butyrate produits dans le rumen par fermentation. Les acides gras à longue chaîne ou préformés (acide stéarique ou C18:0, par exemple) proviennent principalement de l’alimentation, de la fermentation dans le rumen et sont mobilisés à partir des réserves de graisse corporelle de l’animal au besoin.

Les acides gras mixes (p. ex. l’acide palmitique ou C16:0) proviennent d’un mélange des deux processus. Les acides gras volatils formés dans le rumen impactent le taux d’acides gras de novo dans le lait et peuvent nous fournir des informations importantes sur la santé de son microbiote. Les acides gras volatils sont les principales sources d’énergie pour les vaches laitières et une meilleure prévision de leur abondance nous permet d’ajuster et d’optimiser nos rations. Plusieurs études ont établi un lien clair entre la concentration d’acide gras de novo dans le lait et le taux gras (Figure 1). Ces résultats montrent une corrélation entre le pourcentage d’acides gras de novo dans le lait et le pourcentage de matières grasses dans le lait, ce qui nous aide à lier le profi l des acides gras du lait aux performances des animaux.
L’interprétation du profi l des acides gras dans le lait est en constante évolution dans ce domaine d’expertise. Les possibilités sont grandes pour cette technologie et les informations sur les acides gras dans le lait nous permettent de travailler sur cinq grands thèmes soit l’effi cacité alimentaire, la santé du rumen, les performances de la vache laitière, l’impact environnemental de la ration et sur la qualité du lait.

Comprendre la composition en acides gras du lait peut nous permettre de caractériser le fonctionnement et les performances du rumen. En utilisant la composition en acides gras, nous pouvons calculer un indice de sécurité et de productivité nous permettant de déterminer si nos rations sont optimisées. Cela nous indique également si l’utilisation de fi bres et des ingrédients à fermentation rapide est bien équilibrée dans la ration. Par exemple, une teneur élevée en acides gras de novo dans le lait indiquerait une bonne performance ruminale et donc un bon indice de sécurité.
Cependant, si elle est très élevée, cela peut également signifi er un indice de productivité plus bas, ce qui signifi e qu’il est possible d’améliorer la rentabilité et d’augmenter la production laitière. La ration doit être parfaitement équilibrée pour optimiser l’utilisation de l’énergie disponible et les processus de fermentation dans le rumen.
Cependant, les rations devraient minimiser les risques d’effets négatifs d’un pH trop bas dans le rumen pouvant causer de l’acidose par exemple. Ceci peut être validé avec la composition en acides gras du lait. La Figure 2 illustre la jonction entre l’indice de productivité et l’indice de sécurité.Le profi l des acides gras du lait peut être utilisé comme biomarqueur de la santé et de la performance du rumen. Ce biomarqueur peut nous aider à identifi er un déséquilibre entre les fl ores cellulolytique et amylolytique et à calculer un indice de santé ruminale (ISR) et un indice d’activité des fi bres (IAF), comme le montre la Figure 3.
Des études ont démontré que le niveau de bactéries amylolytiques et cellulolytiques est lié à l’abondance de certaines bactéries. En utilisant ces informations, il est possible de développer un IAF pour mesurer et maximiser la production de matière grasse. En utilisant cette approche, une digestion plus effi cace des fi bres se traduira par une teneur plus élevée en gras qui est directement lié à la composition lipidique de novo dans le lait.
De plus, l’ISR peut nous aider à mesurer le risque de déséquilibre dans la fl ore bactérienne du rumen et à évaluer le niveau de pH du rumen. Avec cette analyse, nous pouvons réagir plus rapidement pour corriger un problème avant qu’il n’affecte l’animal et n’ait des conséquences sur la santé et le revenu laitier. L’analyse des acides gras du lait pourrait devenir un bon indicateur des rations trop faibles en énergie, trop riches en huile insaturée, manquant de fi bres effi caces ou trop riches en amidon.
L’analyse de ces biomarqueurs peut nous aider à cibler les vaches atteintes d’acétonémie ou à risque de caillette lorsque le lait est testé vache par vache. Cela peut également nous aider à réagir plus rapidement à l’impact d’un nouveau fourrage. En utilisant ce concept, nous pouvons calculer l’indice de sécurité et de rentabilité comme décrit brièvement ci-dessus. La Figure 4 montre un exemple dans le temps d’un troupeau suivis avec ces deux indices pendant deux ans. Nous pouvons observer que durant l’été 2016, l’indice de productivité est passé au-dessous de la ligne pointillée rouge. Cela s’est accompagné d’un indice de sécurité inférieur. Pour optimiser ses performances, les producteurs devraient viser un indice de productivité le plus élevé possible et un indice de sécurité légèrement supérieur à la ligne pointillée rouge. Dans ce scénario, le producteur maximise non seulement les performances de la ration, mais optimise également la production de lait.
En conclusion, l’évaluation du profi l des acides gras du lait est un outil intéressant, non seulement pour mesurer les performances des vaches laitières, mais également en tant qu’outil de diagnostic pour surveiller la santé ruminale des animaux laitiers. L’évaluation de la qualité du lait et de l’impact sur l’environnement à l’aide de prévisions de méthane et de dioxyde de carbone est également possible avec un outil de biomarqueur, permettant une meilleure évaluation de la performance des rations utilisées à la ferme. En cette ère d’accès à l’information, une nouvelle source de données est toujours intéressante et doit être accompagnée d’outils puissants nous permettant d’interpréter les données et d’améliorer les performances à la ferme.