Métabolisme du fer et résistance à l’insuline chez le cheval
La quantité de fer dans l’alimentation du cheval est devenue un sujet de discussion et d’inquiétude pour de nombreux propriétaires de chevaux. Par ailleurs, la question de savoir si les niveaux de fer alimentaire peuvent avoir une incidence sur la résistance à l’insuline chez le cheval a suscité une grande confusion. Voici une brève présentation du métabolisme du fer et de ce que nous savons à son sujet en ce qui concerne la résistance à l’insuline chez le cheval.
Le fer est un micronutriment nécessaire au cheval et un composant des globules rouges, des cellules musculaires et de nombreux systèmes enzymatiques. Les besoins alimentaires d’un cheval adulte de 1100 livres sont estimés à 400 mg par jour1. Les carences en fer sont extrêmement rares et il n’a pas été démontré qu’elles constituaient un problème pour les poulains ou les chevaux adultes s’ils ont accès au sol. Les fourrages et autres aliments contiennent des quantités plus que suffisantes pour les chevaux. On estime que l’absorption du fer ne représente qu’environ 15 % de la quantité totale de fer, en raison de la saturation des sites d’absorption dans l’intestin grêle, du fait de la grande quantité de fer disponible dans les aliments habituels du cheval. La toxicité du fer est également rare chez le cheval, le plus grand risque de toxicité et de décès se produisant chez les poulains recevant des suppléments de fer. La concentration maximale tolérable de fer dans l’alimentation du cheval a été fixée à 500 mg/kg2.
Une étude a été réalisée en utilisant des chevaux comme modèle pour étudier les troubles liés à la surcharge en fer chez les rhinocéros en captivité2. Ces troubles affectent les rhinocéros en captivité mais n’ont pas été documentés chez les rhinocéros sauvages. La surcharge en fer ou la toxicose peut provoquer un stress oxydatif, une inflammation et des lésions organiques chez les rhinocéros et d’autres mammifères. Par rapport aux rhinocéros sauvages, les rhinocéros captifs ont un régime alimentaire contenant plus de fer, ont des réserves de graisse plus importantes et font moins d’exercice. Ce problème peut être lié au développement de la résistance à l’insuline et un modèle équin a été utilisé pour étudier la relation entre le statut en fer et la résistance à l’insuline. L’évaluation des réponses après des tests glycémiques a montré une corrélation entre les réserves corporelles en fer (en testant le niveau de ferritine sérique dans le sang, qui est le principal transporteur de fer dans le corps) et l’insuline sanguine. Les résultats ont montré qu’il existait une corrélation entre des niveaux élevés de fer dans le sang et des niveaux plus élevés d’insuline dans le sang. L’auteur principal de cette étude a déclaré : « L’excès de réserves de graisse et le manque d’exercice chez les rhinocéros peuvent contribuer à la résistance à l’insuline, comme c’est le cas chez les chevaux, et augmenter l’incidence des troubles liés à la surcharge en fer ». Il est important de noter que cette étude n’a pas cherché à établir un lien de causalité et qu’il n’y a donc aucune preuve que des réserves de fer élevées aient provoqué une résistance à l’insuline dans cette étude.
Une autre étude a permis d’identifier les chevaux présentant une résistance à l’insuline, qui ont ensuite fait l’objet d’une analyse du fer sérique, de la capacité totale de fixation du fer et de la ferritine sanguine. Les chevaux ont été soumis à des tests de glycémie et le sang a été analysé pour déterminer le fer sérique, la capacité totale de fixation du fer et la ferritine. Cette étude a également révélé des taux de ferritine sanguine plus élevés chez ces chevaux résistants à l’insuline que chez les chevaux normaux ou non résistants à l’insuline3. Ces résultats suggèrent un lien avec la surcharge en fer chez les chevaux résistants à l’insuline, mais une fois encore, cette étude n’a pas réussi à démontrer un lien de cause à effet et l’absence de contrôles normaux rend difficile l’élaboration de conclusions appropriées.
À l’inverse, une surcharge en fer sévère peut se produire chez les chevaux pendant de nombreuses années sans aucun signe de résistance à l’insuline, selon une étude vétérinaire4, et une étude portant sur près de 2000 chevaux n’a révélé aucun signe de résistance à l’insuline lorsque l’alimentation contenait plus de 10 fois la quantité quotidienne de fer requise pour un cheval adulte5.
Contrairement à l’excès de fer qui entraîne un dérèglement de l’insuline, il se peut que le dérèglement de l’insuline permette des réserves de fer anormales6. Des recherches menées sur des rats résistants à l’insuline ont démontré que la résistance à l’insuline interfère avec la sécrétion de l’hormone hépatique hepcidine. Cette interférence ou dysrégulation de l’hepcidine permet la poursuite de l’absorption du fer même lorsque le taux de fer corporel est déjà élevé, ce qui entraîne une surcharge en fer7. Normalement, lorsque le taux de fer dans l’organisme est élevé, la quantité d’hepcidine augmente et bloque la libération du fer du foie dans la circulation sanguine. Ce même mécanisme de dérèglement de l’hepcidine a été démontré chez les nourrissons humains et d’autres mammifères nouveau-nés, car il leur permet d’augmenter les taux de ferritine sanguine au-delà des niveaux normaux observés chez les adultes matures afin de répondre aux besoins accrus en fer pour une croissance rapide8.
En résumé, le fer est un nutriment nécessaire et, bien que l’alimentation de nombreux chevaux en contienne des quantités excessives, la toxicité du fer est rare. Il a été démontré que des niveaux élevés de fer ou de ferritine dans l’alimentation se produisent chez les chevaux résistants à l’insuline, mais il n’a pas été démontré qu’ils en étaient la cause. Il est plus probable que la résistance à l’insuline entraîne un dérèglement de l’hepcidine qui se traduit par un taux excessif de ferritine dans le sang. Ainsi, au lieu de se concentrer sur la réduction du fer alimentaire, nous devrions plutôt nous concentrer sur la prévention et l’atténuation des causes de la dysrégulation de l’insuline.
Références
1 Tolérance minérale des animaux. 2005. Conseil national de la recherche. Deuxième édition révisée.
2 Nutrient Requirements of Horses (Besoins en nutriments des chevaux). 2007. Conseil national de la recherche. Sixième édition révisée.
3 Nielsen, BD et al. 2012. A Potential Link Between Insulin Resistance and Iron Overload Disorder in Browsing Rhinoceroses Investigated through the Use of an Equine Model. Journal of Zoo and Wildlife Medicine. Vol. 43, No. 3, Suppl. pp. S61-S65.
4 Kellon, EM et KM Gustafson. 2018. Hyperferritinémie dysmétabolique possible chez les chevaux hyperinsulinémiques.
5 Theelen, MJP, et al. 2019. Surcharge chronique en fer provoquant une hémochromatose et une hépatopathie chez 21 chevaux et un âne. Equine Veterinary Journal. 51 : 304-309.
6 McLean, N. 2019. Enquête sur les pratiques d’alimentation aux États-Unis en ce qui concerne les quantités quotidiennes de fer données aux chevaux de course de race Thoroughbred. Thèse. The Royal Dick School of Veterinary Studies. Université d’Édimbourg.
7 Wang et al. 2014. Hepcidin is Directly Regulated and Plays an Important Role in Iron Overload in Streptozotocin-Induced Diabetic Rats. Diabetes. Mai; 63(5) : 1506-18.
8 Beard, JL. 2001. Iron Biology in Immune Function, Muscle Metabolism and Neuronal Functioning. Journal of Nutrition. 131(2S-2) : 568S-579S.