LE CHEVAL AMAIGRI : QUAND FAUT-IL AGIR ET COMMENT ?
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Tout comme nous les propriétaires, il existe des chevaux de toutes tailles aux multiples conformations. En présence d’une condition de chair insuffisante, le cheval en question nécessite une prise en charge en identifiant d’abord les causes principales de cette perte de poids.
En premier lieu, il faut se rappeler que la conception et le fonctionnement du système gastro-intestinal représentent les déterminants majeurs sur la conversion des aliments en composantes chimiques; ce qui permet de fournir l’énergie nécessaire au bon fonctionnement du corps (Stull, 2008). Le système digestif de nos équidés s’opère sous deux principaux volets :
- Dans l’estomac et l’intestin grêle (ou petit intestin) où les enzymes digestives font la majorité du travail pour digérer la moulée et assimiler la plupart des nutriments (gras, protéines, hydrates de carbone non-structuraux, vitamines et minéraux).
- Dans le gros intestin (incluant le ceacum et le côlon) où le foin fera face aux microbes bénéfiques et au processus de fermentation pour être dégradé.
Le cheval a été conçu pour digérer de façon continuelle les fourrages qu’il grignote toute la journée. Ces fonctions digestives ne sont donc pas optimales lorsqu’il reçoit uniquement deux repas par jour; encore moins s’il s’agit de deux grosse quantité d’aliments. Et puisque son système digestif n’est pas adapté aux changements drastiques, le cheval amaigri doit bénéficier d’une alimentation particulièrement adéquate.
En premier lieu, une classification universelle communément utilisée sur le terrain est l’évaluation de la condition de chair selon la méthode d’Henneke (Henneke et al, 1983). Cette dernière permet l’estimation visuelle et par palpation de la présence de gras sous-cutané déposé à six endroits différents sur le corps du cheval. Selon l’échelle établie entre 1 (émacié) et 9 (obèse), le cheval adulte doit présenter une condition de chair entre 5 et 6. Une évaluation sous la normale suggère alors de remettre en perspective différents éléments nous permettant d’en identifier la ou les causes possibles.
Par ailleurs, une cote de 4 peut parfois survenir sans que le cheval ait nécessairement été négligé de façon volontaire. En voici un bref aperçu :
- Une condition médicale particulière (ulcère, diarrhée, colique, blessure, cancer, etc.)
- Une poulinière en gestation ou en lactation dont l’apport calorique n’a pas été ajusté.
- Un cheval senior qui présente un système digestif moins efficace.
- Une dentition qui n’est plus optimale.
Ces exemples, parfois reliés à un manque de connaissances et non à une mauvaise volonté, entrainent alors une perte de poids plus ou moins rapide. Aussi, un ajustement du choix des aliments et de la quantité servie résoudra rapidement cette condition.
Dans le cas d’un cheval catégorisé maigre ou émacié, ce dernier s’avère plus souvent qu’autrement victime d’ignorance, de négligence, ou de problèmes économiques ou familiaux de la part du propriétaire. Les causes responsables de la maigreur d’un cheval sont nombreuses. Parmi celles-ci, on retrouve :
- Un manque ou une absence de nourriture.
- Des aliments de mauvaise qualité (peu digestibles, moisis, etc.).
- Un parasitisme élevé.
- Des soins dentaires ignorés.
Durant le processus de famine, le cheval utilise le gras et les glucides stockés dans son corps pour fournir de l’énergie à son métabolisme. Ce même processus se produit chez le cheval en santé pour sa dépense énergétique, ces fonctions cervicales, circulatoires, etc. (Stull, 2012). Toutefois, lorsque le cheval affamé aura épuisé ces dernières réserves, l’énergie sera à ce moment dérivé de la dégradation de ces protéines. Ainsi, le corps, ne pouvant mettre de protéines en réserve, puisera dans ses muscles et ses organes vitaux pour survivre.
Une condition de chair entre 1 et 3 nécessite un travail d’équipe entre le vétérinaire équin et l’agronome en nutrition équine. D’abord, le vétérinaire procède à l’évaluation du cheval afin de déterminer la ou les causes de cette maigreur. Par la suite, il peut mettre en place différentes interventions médicales qui lui semblent essentielles. Il ne faut pas omettre qu’à ce stade, les carences caloriques, vitaminiques et minérales font en sorte que le système immunitaire se comprime. Le cheval devient donc plus à risque d’attraper des infections, des poux, etc.
La bouche est, bien entendu, l’entrée de tous les aliments. Une mauvaise condition dentaire entraine une mauvaise digestion et absorption des nutriments. À ce moment, le vétérinaire équin peut effectuer l’évaluation buccale et procéder aux correctifs nécessaires tel le râpage. Effectivement, des aspérités (communément appelées pointes dentaires) peuvent apparaitre et provoquer des douleurs aux joues, aux gencives et à la langue lorsque le cheval mastique. Par la suite, l’introduction d’une nouvelle alimentation doit se faire de façon très graduelle afin d’éviter toutes complications médicales.
À prime abord, le cheval doit être bien réhydraté. L’apport d’eau à volonté, propre et fraiche est primordial. Un cheval adulte de 500 kg consomme en moyenne 25 à 35 litres d’eau ou environ deux chaudières de cinq gallons par jour (NRC, 2007). L’ajout de sel (100 % chlorure de sodium) à la ration du cheval favorise aussi sa consommation d’eau et aide son organisme à retenir cette eau. Un bloc de sel blanc ou encore l’ajout de sel libre à la ration, à raison d’une ou deux onces par repas, plus si nécessaire, s’avère une excellente stratégie.
Subséquemment, l’introduction en petite quantité d’un foin de bonne qualité (vert, tendre, dénué de poussières et dont l’odeur est fraîche et agréable) peut être servie idéalement six fois par jour. Puis, quelques jours après le début de l’apport en fourrage, on introduit une moulée de haute valeur nutritionnelle en petite quantité avec la même constance de six repas par jour. Dépendamment de l’état de santé de l’animal, l’introduction des aliments s’exécute sur une période minimale de 10 à 14 jours, après quoi le nombre de repas quotidiens peut être diminué. Dans le but d’éviter une réponse d’insuline sanguine trop importante, il est conseillé d’utiliser une alimentation réduite en hydrate de carbones non-structuraux (sucres et amidon). Les moulées fabriqués à base de Supers Fibres s’avèrent les plus appropriées. De plus, elles vous permettent de favoriser la digestion et l’hydratation en y ajoutant de l’eau. Laissez-les détremper 10-15 minutes avant de les servir. Finalement, d’autres additifs alimentaires peuvent aussi être avantageux pour le cheval émacié. Par exemple, un apport de prébiotiques (substances nourrissant les bonnes bactéries) comme les MOS (mannan-oligosaccharides) agit sur la santé de la flore intestinale (Thomas, 2009). Au même titre que les prébiotiques, les probiotiques permettent de réduire et de combattre les bactéries pathogènes (NRC, 2007). De plus, les probiotiques jouent différents rôles, entre autres celui d’améliorer la santé digestive pour ainsi favoriser la digestion et l’absorption des nutriments. Les aliments consommés par le cheval deviennent donc beaucoup plus efficaces. Ces derniers permettent aussi de réduire le risque de dérèglement de la flore intestinale lors d’un changement de diète ou d’exercice en réduisant les variations de pH.
Somme toute, le cheval émacié nécessite au minimum six mois pour reprendre un poids plutôt normal. L’augmentation progressive du niveau d’exercice lui permet aussi de rebâtir ses muscles et sa forme cardiovasculaire. La patience et l’amour des chevaux sont de mise dans un tel cas !
Bibliographie
Henneke D.R., Potter G.D. Kreider J.L. and Yeates B.F. (1983). Relationship between condition score, physical measurements and body fat percentage in mares. Equine Veterinary Journal 15(4), 371-372.
NRC (National Research Council). (2007). Nutrient requirements of horses (6e édition révisée). Washington, DC, États-Unis: The National Academies Press. 341p. THOMAS H.S. (2009). Probiotics and prebiotics. The Horse, 8p. Stull, L. C. (2008) The skinny on carbohydrates and body size of horses. Animal welfare extension specialist, University of California, 10 p. Stull, L. C. (2012) Nutrition for rehabilitating the starved horse. Center for equine health, University of California, 15 p.