Électrolytes, sodium et hydratation : Tendances, mythes et réalités
Vous est-il déjà arrivé, pendant une chaude journée de concours, de remarquer un changement de comportement chez votre cheval? Est-il devenu amorphe, ou au contraire nerveux? A-t-il subi un coup de chaleur? Ces types de réactions peuvent survenir lorsqu’un cheval est déshydraté. Afin de prévenir cette situation, il est important de connaître quelques principes de base.
Qu’est-ce qu’un électrolyte?
Les électrolytes sont des minéraux qui, lorsque dissous dans l’eau, portent une charge électrique, soit positive ou négative. Ces minéraux sont le sodium, le chlore, le potassium et dans une moindre mesure, le calcium et le magnésium. Il existe des pompes situées sur les parois de chaque cellule du corps qui permettent de contrôler la concentration en électrolytes et en eau à l’intérieur et à l’extérieur des cellules. Selon le type de cellules, ce gradient de concentration permet entre autres la transmission des influx nerveux et les contractions musculaires.
Qu’est-ce que la déshydratation?
La déshydratation survient lorsqu’un cheval perd trop d’eau et d’électrolytes. Ses causes possibles
sont multiples :
- Problèmes de santé : diarrhée, étouffements, hémorragie, Cushing, etc.
- Transport de longue durée : les chevaux boivent moins en transport, ils peuvent avoir une légère diarrhée ou transpirer à l’excès
- Consommation d’eau insuffisante et grande consommation de fibres : le cheval est fait pour manger du pâturage, lequel contient 80 % d’eau. Pour remplacer l’eau qu’il ne consomme pas dans l’herbe lorsque l’on sert du foin sec, il devrait boire environ 38 litres (10 gallons) d’eau par jour.
- Une baisse brusque de la température : lorsque la température extérieure diminue rapidement, le cheval peut diminuer considérablement sa consommation d’eau, car il ressent moins la soif, particulièrement si l’eau est froide.
- Transpiration : Peut causer une grande perte d’eau et d’électrolytes (jusqu’à 20 litres à l’heure pour un cheval d’environ 540 kg (1200 lb) lors d’une journée chaude)
Puisque l’été approche à grands pas, nous nous concentrerons sur cette dernière cause.
Quels sont les symptômes et les risques?
L’attitude générale du cheval déshydraté peut être affectée : il sera nerveux ou paresseux, il peut tituber, ou encore avoir l’air perdu. Il aura de la difficulté à performer, notamment parce que les contractions musculaires ne seront plus aussi efficaces. Il sera plus susceptible aux crampes musculaires et aux crises de rhabdomyolyse récidivante à l’effort (tying-up). Il n’arrivera pas aussi bien à évacuer sa chaleur, car il ne produit plus assez de sueur et si l’exercice continue, il peut souffrir d’un coup de chaleur ou pire, d’une crise cardiaque. Il sera plus à risque de faire une colique par impaction, car le manque d’eau dans le gros intestin peut en diminuer la motilité et provoquer la formation d’un bouchon. L’intensité des symptômes et les risques de problèmes pour la santé dépendront du degré de déshydratation. Un cheval légèrement déshydraté aura davantage tendance à boire l’eau qu’on lui offre et pourra récupérer assez facilement. Cependant, lorsque la déshydratation a atteint un certain niveau, le cheval ne ressent plus la soif et les conséquences risquent d’être plus graves.
Comment vérifier si mon cheval est déshydraté?
La méthode la plus facile et la plus rapide pour vérifier l’hydratation est le pli cutané. Il faut pincer et tirer la peau, soit au niveau du cou ou de la pointe de l’épaule. Si la peau hésite à reprendre sa place, c’est signe de déshydratation. Si la peau reprend sa place instantanément, le cheval est probablement bien hydraté. Ce n’est toutefois pas une garantie, car le cheval a pu puiser l’eau de ses réserves –comme celle du gros intestin — pour l’envoyer dans le reste du corps pour compenser. Chez les chevaux plus âgés dont la peau est moins élastique, il est conseillé de recourir au pli de la paupière. Une autre méthode assez fiable et facile à réaliser est de vérifier le temps de remplissage capillaire. Une bonne technique est de surveiller le fumier : les boulettes doivent se tenir, mais contenir une grande quantité d’eau (on a donc l’assurance qu’il y a de l’eau dans le gros intestin). La méthode la plus précise demeure la prise de sang, mais il y aura un délai entre l’échantillonnage de sang et l’arrivée du résultat.
Comment faire pour le réhydrater?
La méthode de réhydratation dépendra du degré de déshydratation. Dans le cas d’une légère déshydratation, par exemple après un exercice intense, il est suggéré de servir de l’eau ayant une concentration de 0,45 % à 0,9 % d’électrolytes (soit entre 90 g et 180 g par 20 litres) à une température d’environ 20 ⁰C dans les minutes suivant l’exercice, puis d’offrir de l’eau claire à la même température immédiatement après. En fonctionnant ainsi, les chercheurs ont remarqué une augmentation de la quantité totale d’eau ingérée et une amélioration de l’état d’hydratation. Généralement, à ce degré de déshydratation, le cheval ressent la soif. La croyance populaire dit que l’on ne doit pas servir d’eau à un cheval tout de suite après l’exercice afin d’éviter un «coup d’eau» qui pourrait provoquer une colique ou une fourbure. En fait, ceci n’est vrai que pour l’eau froide et non pour l’eau tempérée. Le réflexe du cheval est de boire presque immédiatement après l’exercice ainsi qu’après avoir mangé. Il ne faut donc pas manquer ces deux moments propices pour le faire boire.
Dans le cas d’une déshydratation moyenne, il est généralement recommandé d’intuber le cheval (il s’agit d’un acte vétérinaire), car il ne ressent plus vraiment la soif et les quantités d’eau et d’électrolytes à remplacer sont si grandes que le cheval n’arrivera pas à les ingérer par lui-même. Dans le cas d’une grave déshydratation, et même parfois pour le cheval moyennement affecté, il sera nécessaire d’administrer une grande quantité de solutions d’électrolytes par voie intraveineuse. Ce traitement devrait aussi toujours être fait sous la supervision d’un vétérinaire, car un excès de potassium intraveineux peut causer un arrêt cardiaque.
Attention aux surdoses (eau, sucre et sel)
Une trop grande consommation d’eau sans ajout d’électrolytes n’améliorera pas aussi rapidement le degré d’hydratation de votre animal. En effet, contrairement à l’eau salée, l’eau pure n’aide pas le cheval à ressentir la soif, et elle ne refait pas les réserves d’électrolytes.
Il faut aussi prendre garde à ne pas trop administrer d’électrolytes d’un coup. Si une quantité excessive est administrée au cheval par voie orale sans lui donner accès à de l’eau, l’animal n’en sera que plus mal en point, car la concentration sera trop élevée et l’animal deviendra encore plus déshydraté.
Quel électrolyte choisir?
Le choix d’un électrolyte dépendra du degré de transpiration du cheval. Pour celui qui est au travail léger, une ration bien équilibrée fournissant 25 g à 30 g de sel par jour et du foin à volonté suffira. Pour celui à l’exercice modéré, selon la quantité de transpiration produite, de 30 à 60 g de sel par jour devraient être ajoutés à la ration équilibrée et au foin à volonté. Le bloc de sel à lui seul suffit rarement, car pour la grande majorité des chevaux, la consommation est variable et souvent insuffisante. En effet, un bloc de 2 kg devrait être consommé en moins de 8 semaines, ce qui arrive rarement. C’est pourquoi il est recommandé d’ajouter du sel (sel à bétail ou sel à foin) dans la portion. Il s’agit d’une manière très économique de remplacer les électrolytes perdus.
Pour les chevaux au travail intense ou qui transpirent beaucoup, les électrolytes commerciaux peuvent être intéressants. Il en existe toute une panoplie en magasin. Il faut donc bien examiner les ingrédients afin de faire le bon choix :
- Pour les chevaux qui font de l’exercice anaérobique (court et intense comme les chevaux de course, de gymkhana), un produit contenant du sodium, du chlore, du potassium, du calcium et du magnésium est suggéré. Il peut contenir un peu de bicarbonate de calcium et de sucre afin d’aider à la récupération des muscles. Les mêmes produits sont recommandés en cas de diarrhée.
- Pour les chevaux qui font de l’exercice aérobique (de moyenne à longue durée, d’une intensité faible à moyenne comme les chevaux de saut d’obstacles, de dressage, de reining, d’endurance), il est conseillé de servir du sodium, du chlore, du potassium, du calcium et du magnésium. Il est toutefois déconseillé de leur servir du sucre en trop grande quantité et, surtout, du bicarbonate qui causerait des crampes musculaires (puisque l’exercice est différent, les déchets produits par l’organisme le sont aussi. Le bicarbonate aura l’effet opposé).
Prenez garde aux électrolytes dont le premier ingrédient est le sucre ou le dextrose : ce sont des
ingrédients peu utiles pour rétablir l’hydratation. Il peut être intéressant qu’il y en ait un peu, car le sucre
aide à l’absorption du sel. Le ratio sel/sucre 2:1.
Comment prévenir la déshydratation
Tout d’abord par l’entretien au quotidien. En effet, il faut s’assurer que la ration est bien équilibrée et que l’on ajoute du sel à l’alimentation. Ainsi, en plus des bienfaits pour l’exercice et la récupération, il y aura beaucoup moins de risques que le cheval fasse une colique par impaction. Lors d’un travail long et intense, particulièrement lorsque la température est chaude et humide, de petites quantités ’électrolytes devraient être servies régulièrement. Il est possible d’en donner entre les épreuves, ou entre les étapes de l’épreuve lorsqu’il s’agit d’endurance. Il est primordial que le cheval ait aussi accès à de l’eau pure, qu’on lui offre des électrolytes dans l’eau, en pâte ou en poudre dans la moulée. Il peut aussi être intéressant de mouiller le cheval régulièrement, d’enlever le surplus d’eau sur le corps, puis recommencer. L’eau évacuera la chaleur à la place de la sueur, le cheval devra donc moins transpirer.
Le fait de servir de l’eau dans une chaudière plutôt qu’avec une buvette automatique permettra de surveiller la quantité d’eau bue et d’éviter les problèmes de pression. En effet, une buvette ayant trop ou trop peu de pression peut affecter la consommation d’eau par le cheval. Il est aussi plus facile de servir de l’eau tempérée dans un seau.
Il est beaucoup plus simple de prévenir la déshydratation que de la traiter, et c’est beaucoup moins stressant! Cet été, vérifiez plusieurs fois par jour l’état d’hydratation de vos chevaux, particulièrement lors de journées chaudes et humides, et servez-leur du sel. Votre été sera plus profitable et agréable, pour vous et votre cheval!